Survivre à la croissance rapide d’une entreprise

Résumé

L’auteure décrit la réalité des entreprises œuvrant dans un marché global en constante effervescence et la nécessité pour celles-ci d’adopter une capacité d’adaptation rapide face aux changements souvent imprévisibles de l’économie moderne. Plus spécifiquement, l’article mettra l’emphase sur les pièges à éviter pour toute entreprise déjà existante tentant d’effectuer un changement de cap drastique et souvent trop rapide.

INTRODUCTION

Toutes les entreprises ont en commun un but précis: l’expansion. Une entreprise qui ne connaît aucune croissance n’est pas compétitive. La démocratisation de l’entrepreneuriat par le web implique que les entreprises qui ne figurent pas au peloton de tête d’un marché se retrouvent en compétition directe avec tous les entrepreneurs opportunistes du globe. La structure existante de l’entreprise devient alors un désavantage, un poids additionnel dont tout compétiteur de type « start-up » est libre.

Dans le secteur de la haute technologie par exemple, le succès instantané est chose courante et le temps idéal requis pour une croissance efficace n’est pas toujours disponible, résultant souvent en plusieurs redondances structurelles. Ce poids administratif additionnel devra inévitablement être rectifié à un moment ou a un autre, idéalement plus tôt que tard.

Une entreprise qui ne peut rapidement modifier sa structure afin de s’adapter à de nouvelles opportunités lorsqu’elles se présentent se voit souvent vouée à l’échec, reléguée au dernier rang de marchés où elle fût jadis compétitive. Certains diront que c’est un beau problème à avoir mais qu’en est-il de la réalité d’un tel remaniement?

Une occasion à saisir

L’accélération constante des technologies de pointe, amplifiée par la démocratisation d’un réseau de distribution global rend toute opportunité d’affaire éphémère mais aussi à la portée de tous. L’entreprise ou entrepreneur qui saura sauter sur l’occasion et l’exploiter le plus rapidement récoltera les fruits de son opportunisme, laissant les compétiteurs dans la poussière.

Un nouvel entrepreneur ambitieux peut rédiger un plan d’affaire adapté à l’opportunité qui se présente, obtenir du financement et se lancer immédiatement tête première dans le projet. Le succès d’un tel défi sera défini en grande partie par l’instinct de l’entrepreneur. Mais qu’en est-t-il d’une entreprise déjà existante dont la rapidité d’action risque de déterminer le succès de son avenir?

S’il n’en tenait qu’à l’ambition, il serait simple de créer une nouvelle entreprise spécialisée, allégée de toute infrastructure déjà existante. Dans l’éventualité d’un succès, cette nouvelle entreprise pourrait alors bénéficier des avantages de l’entreprise-mère, de son réseau de distribution ou de certaines ressources stratégiques. Dans le cas d’un échec, mettre un terme aux opérations de cette nouvelle entreprise limiterait les dommages tout en laissant l’entreprise originale intacte.

La réalité est beaucoup plus complexe et implique souvent de sérieuses modifications à une structure déjà en place. Une entreprise existante doit savoir comment maintenir son image établie en gardant la possibilité de se transformer subtilement au gré de nouvelles occasions d’affaires ou de nouveaux marchés. En contrepartie, une entreprise qui modifie sa structure organisationnelle de fond en comble à chaque nouvelle occasion d’affaires ne peut se bâtir une identité propre ; mieux vaut prévoir une structure plus malléable afin de pouvoir s’attaquer à de nouvelles opportunités lorsqu’elles se présentent.

La clé du succès réside alors dans une confiance inébranlable en la mission, la raison d’être de l’entreprise. S’ajoute à cette clarté l’ébauche de multiples scénarios anticipant toutes éventualités ainsi que d’un monitoring constant de l’état des choses à tous les niveaux de l’organisation, autant au niveau global qu’à un niveau précis et localisé.

Décisions complexifiées

Répondre à un tel défi nécessitera probablement l’embauche massive de nouveau personnel ou d’un personnel spécialisé dans un domaine jusqu’alors inexploité par l’entreprise. Cette embauche de masse représentera un enjeu important d’où émergeront  plusieurs nouveaux défis. Alors qu’un nombre important d’employés rejoint les rangs de l’entreprise, le maintien d’efficacité imposera une standardisation des processus, une équipe dédiée à la gérance et un système de service RH appropriés. Sans cette préparation, l’embauche peut vite donner lieu à un casse-tête logistique important.

Le chef d’entreprise, épaulé d’une façon ou d’une autre par une équipe d’experts en restructuration, devra alors mener une analyse exhaustive de l’entreprise, effort qui risque d’éprouver sa capacité à prendre du recul face à son organisation[1].

  • La structure existante de l’entreprise permettra-t-elle l’intégration de ces nouveaux employés dans une hiérarchie déjà existante ou est-ce qu’une structure parallèle devra être développée?
  • Le changement impliquera-t-il la création de nouveaux postes de gestion?
  • Le département de ressources humaines actuel est-il conçu de manière à pouvoir gérer ce changement, à rester neutre à travers toutes les modifications?
  • Les systèmes et structures en place (ressources humaines, système de paie, etc.) devront-ils être dédoublés ou serait-il plus judicieux d’adopter une nouvelle hiérarchie plus modulaire sous laquelle, par exemple, les locaux existants se transformeraient en quartier général, créant ainsi une réorganisation de fond en comble de la structure centrale de l’entreprise?

Pour ce qui est du chef d’entreprise, ses méthodes habituelles devront elles aussi être révisées et raffinées afin de faire face à cette nouvelle structure. À cet effet, l’adoption de mentorat peut s’avérer un grand bénéfice.

Une restructuration aussi exhaustive impliquera inévitablement des modifications plus ou moins importantes aux tâches et descriptions de postes des employés déjà en place. Si ces tâches et descriptions ne sont pas déjà clairement établies en aval du changement proposé (en effectuant l’exercice d’équité salariale par exemple), l’effort de restructuration s’en trouvera gêné de manière importante. Le risque de manquer l’occasion d’affaire à l’origine de cette réflexion rendra tous ces efforts précipités inutiles et même néfastes aux opérations déjà en cours.

Les employés et le changement

Un changement de cap brusque sera le bienvenu pour les employés avides de défis. Par contre, dépendamment du secteur d’activité de l’entreprise et d’autres facteurs divers, ce ré-aiguillage risque d’être accueilli avec méfiance par plusieurs, surtout lorsque la transparence ne fait pas partie intégrale des valeurs fondamentales de l’entreprise.

Lors d’un tel exercice, les employés existants sont souvent promus de façon latérale ou verticale. Le principe de Peter[2] ne tarde pas à se manifester : ceux qui étaient jadis de fiers porte-étendards de l’excellence de l’entreprise deviennent alors des obstacles à la croissance de celle-ci. Une stratégie similaire consiste à créer des postes de gérance aux responsabilités nébuleuses en guise de compensation. Les tâches liées à ce type d’emploi sont souvent redondantes voire inutiles sous l’optique d’expansion.

Pire encore, un tel remaniement risque de mettre en relief certaines habitudes résultantes d’un manque de vigilance prolongé. La mise en place de nouvelles structures risque de révéler les lacunes de l’organisation existante, d’où la nécessité d’intégrer le changement comme valeur fondamentale de l’entreprise et d’identifier toute problématique au préalable.

La publication de ces changements aux employés devra être faite en toute transparence, les gestionnaires et membres des ressources humaines formés en conséquence et tenus au courant d’un maximum de détail afin de pouvoir répondre à toute question susceptible de poindre dans l’esprit des employés.

Conclusion

Avec tous ces détails en tête, un questionnement s’impose sur le type d’approche à préconiser. Est-ce que le jeu en vaut réellement la chandelle? Tout dépend du type d’entreprise et du niveau d’implication désiré. Chaque entrepreneur doit avoir une idée claire de l’identité de son entreprise et des sacrifices acceptables à la réalisation d’une vision à long-terme


[1]              * Sarah Licha, fondatrice et pdg d’EspaceRH Inc., entreprise spécialisée en ressources humaines, offre également services et conseils sur la gestion du changement et la balance de la main d’oeuvre. N’hésitez pas à contacter Sarah au sarah@espacerh.com ou à espacerh.com.

[2]              * Selon le principe de Peter, dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence, ce qui a pour effet qu’avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité.