Sarah Licha est fondatrice et PDG d’Espace RH inc. Elle se spécialise dans la gestion du changement et le conseil stratégique du capital humain (sarah@espacerh.com ou www.espacerh.com). Simon Lamoureux est auteur et créateur de contenu, partenaire d’Espace RH inc. (simon@espacerh.com).
Résumé
Les coauteurs établissent ici la raison d’être et définissent les tâches du « Watchdog » ou chien de garde, responsable de superviser le changement au sein d’entreprises faisant face à un changement de cap plus ou moins majeur. Ils exploreront également l’étendue de cette responsabilité et les conséquences potentielles de mal outiller celui ou celle qui s’acquittera des tâches liées à ce poste crucial.
INTRODUCTION
Au cours de la vie d’une entreprise, certains correctifs devront être apportés à plusieurs niveaux afin de s’assurer que celle-ci maintienne son cap vers le succès. Ces changements seront tantôt mineurs, tantôt majeurs, complètement isolés ou touchant à la fois à plusieurs facettes, départements et systèmes implantés au sein de l’entreprise.
Bien que tous les changements prennent souvent la forme d’obstacles monolithiques se dressant en travers de notre chemin, conquérir ceux-ci ne se limite pas qu’à les terrasser d’un coup d’épée pour passer au suivant, comme pourraient nous laisser croire tous les films et jeux vidéo qui forment notre imaginaire. En réalité, implanter un réel changement implique une domination temporelle ; il faut prévoir le coup, l’implanter au moment approprié puis y garder un oeil après son implantation initiale,
question de pouvoir s’assurer qu’il sera respecté et surtout compris.
Cette approche, bien qu’exhaustive, s’avère garante de succès. En effet, mal planifier le changement en amont équivaut à remettre les chances de succès au hasard, espérant que le choix ainsi fait de manière impétueuse sera le bon, alors qu’implanter le changement sans prêter attention aux répercussions de celui-ci équivaut à engager sa voiture sur l’autoroute pour aussitôt fermer les yeux, espérant que la route saura nous guider à bon port. La vigilance se doit d’être soutenue tout au cours du processus.
Avant que les changements ainsi imposés ne deviennent des habitudes, il est important de désigner quelqu’un qui s’assurera que les processus établis soient respectés. Cette même personne devra également ramener à l’ordre ceux et celles qui dévient du plan d’attaque, ce qui entraîne naturellement
une perception négative du rôle pourtant si crucial à l’application de stratégies correctives.
Cette tâche revient à celui ou celle que l’on désigne habituellement du titre de « Watchdog » : le chien de garde.
I– BASES DE PSYCHOLOGIE
L’individu désigné doit avoir une grande compréhension de la psychologie humaine afin de pouvoir bien faire son travail.
Bien que la tâche d’observation occupe la majorité du temps consacré aux activités liées à ce poste, c’est lors de l’application du changement et du maintien des règles favorisant cette application que cette aptitude à bien comprendre la psychologie humaine permet à tous les intervenants d’agir de concert afin d’atteindre les objectifs établis par l’entreprise ou la firme mandatée à cet effet.
Idéalement, le poste du chien de garde est confié au même agent qui aura préalablement redéfini les processus de l’entreprise en collaboration avec les différentes équipes qui la composent. Cette étape s’avère cruciale, car elle permettra au spécialiste d’apprendre à mieux connaître les intervenants et la dynamique qui régit leurs interactions. Lors de cette entrée en matière, l’agent pourra planifier le type d’intervention qu’il devra faire auprès de chaque intervenant en tenant compte des personnalités, des
attitudes et de la réalité quotidienne de chacun.
Les employés se montrant plutôt réfractaires au changement pourront ainsi être motivés de manière efficace et sincère par l’agent ayant pris le temps de proprement étudier le terrain au préalable.
En contrepartie, une application froide et absolue des changements risque d’entraîner un désengagement des utilisateurs et mener éventuellement à un échec total de l’implémentation. Devoir établir de nouvelles procédures et manières de faire devient presque impossible lorsque ceux chargés d’instaurer le changement doivent composer avec une main-d’oeuvre hostile et peu coopérative.
Dès que la dissension aura pris pied, il sera trop tard pour venir corriger le tir. Le processus devra être réorganisé, planifié à l’aide d’une toute nouvelle approche qui elle aussi devra être soumise aux employés. Les entreprises ayant les moyens de répéter l’exercice devront chaque fois redoubler d’humilité et s’assurer de bien « vendre » le concept à ses travailleurs sans quoi, ces efforts vains ne viendront qu’affaiblir la structure déjà chancelante, ce qui augure bien mal pour l’image que projette une entreprise en temps de changement.
II– PROBLÈMES ET SOLUTIONS
Une des responsabilités majeures de l’agent désigné est bien sûr d’identifier les problématiques qui surviennent en cours d’implantation. Comme tout est question d’équilibre, l’agent aguerri saura que de ne présenter que failles, lacunes et problématiques de l’entreprise cliente à ses dirigeants risque de s’avérer contre-productif lorsque sera venu le temps de travailler à la recherche de solutions. En effet, cette approche implique subtilement que c’est au dirigeant que reviendra la tâche de trouver les solutions.
Du point de vue d’un décideur, un agent ne faisant qu’illustrer de nouvelles problématiques ne représente pas un bon investissement. À moins que le mandat de l’agent ne se limite précisément qu’à identifier les problèmes pour ensuite prendre fin à la remise d’un rapport, un dirigeant fera habituellement appel aux services d’un chien de garde afin d’attaquer de front des problématiques bien précises et s’attend naturellement à ce que l’agent en question s’attaque également aux aspects décisionnels de l’aventure.
Un tel investissement de confiance nécessite évidemment un accès quasi total aux rouages et aux ressources de l’entreprise afin que l’agent puisse pouvoir trouver de réelles solutions en se basant sur la réalité et non la vision que l’entrepreneur a de son entreprise, vision qui se révèle souvent faussée par le manque de recul.
Un chien de garde expérimenté saura doser le ratio de problèmes et de solutions, permettant ainsi d’éviter tout déséquilibre et de s’attaquer directement aux problèmes, d’amorcer rapidement les discussions menant à une solution.
Sans cette approche, les délais s’accumulent, les détails se perdent et un plan d’action clair et précis se désagrégera au fil du temps, devenant progressivement de plus en plus flou alors que les problèmes s’empilent.
Imaginons un rendez-vous où certains problèmes sont soulignés. Sans pistes de solutions à explorer immédiatement, la rencontre risque d’en engendrer une seconde dans un avenir plus ou moins rapproché, laissant ainsi le temps à la situation de s’aggraver ou pire laissant de nouvelles problématiques survenir spontanément, ajoutant ainsi au chaos ambiant.
Avec un système de chien de garde efficace, l’issue de cette première rencontre comportera déjà des scénarios envisageables, des données à vérifier ou des intervenants à mobiliser. Chapeautant le tout, l’agent faisant office de chien de garde aura ainsi le champ libre afin de passer aux étapes subséquentes de l’application de la solution sans avoir à attendre après la structure « corporative ».
CONCLUSION
Poste ingrat et mal compris, la nécessité de ce dernier est au coeur même de toute stratégie de gestion du changement. Il faudra donc savoir convaincre les dirigeants et l’ensemble de la main-d’oeuvre des aspects positifs et prouvés de l’usage d’un système de chien de garde.
Un lien de confiance fort doit lier l’entreprise et l’agent désigné afin de permettre qu’un plan bien élaboré à l’avance puisse être mis en action de manière ultra-efficace en plus d’être modifié au besoin en aval.
Le chien de garde ne peut fermer l’oeil et doit rester dominant du début à la fin du processus. Le succès passe par une vigilance éternelle.