L’échec : un mal nécessaire

* Sarah Licha est fondatrice et PDG d’Espace RH inc. Elle se spécialise dans la gestion du changement et le conseil stratégique du capital humain (sarah@espacerh.com ou www.espacerh.com). Simon Lamoureux est auteur et créateur de contenu, partenaire d’Espace RH inc. (simon@espacerh.com).

Résumé

Les co-auteurs s’attaquent ici à l’échec en tant que source de savoir, élément central d’un processus d’apprentissage sain et garant de résultats. Les différents types d’erreurs de parcours seront identifiés ainsi que les attitudes à proscrire et celles à favoriser lorsque confronté aux obstacles qui marquent la vie de chacun.

Introduction

L’erreur est humaine. Pour plusieurs, elle est également source de honte et de culpabilité. Cette perception émane d’une culture qui dépeint le succès, que ce soit en affaires ou au quotidien, comme étant une alternative à l’échec, comme si les deux idées étaient mutuellement exclusives.

Le succès est un concept qui est en fait bien relatif à chacun. Il est souvent le produit résultant d’une série d’erreurs et d’échecs et il n’existe personne qui ai réussi à atteindre ses buts sans faire face à de nombreux obstacles les obligeant à ré-évaluer le tracé de leurs parcours.

Le blâme est souvent le premier réflexe employé afin d’atténuer les sentiments issus d’un échec. Rejeter le blâme sur autrui ou sur des concepts bien abstraits, tels l’univers ou la société, s’avère n’être qu’un mécanisme de défense qui vise à protéger un ego blessé tout en assurant un sentiment de sécurité illusoire et temporaire bien que parfois nécessaire. Agir de cette façon brouille les cartes et la leçon qui aurait pu être tirée de cet écart, de cette erreur, se verra ensevelie sous une avalanche de fausses pistes, rendant tout réel apprentissage impossible.

Les différents types d’erreurs

Il existe plusieurs types d’erreurs. Certaines sont inévitables, souvent attribuables à l’inattention ou causées par des circonstances hors de notre contrôle. Il n’y a pas de réelle leçon à tirer de ces erreurs outre de nous rappeler l’importance de demeurer vigilant. Il faut noter par contre que ces erreurs, d’apparence anodine, lorsque trop souvent répétées, peuvent indiquer l’existence d’un problème sous-jacent qui méritera sans doute qu’on s’y intéresse plus attentivement.

Nous pourrions catégoriser certaines erreurs comme étant de nature participative, c’est à dire qu’elles pourraient être évitées en autant que ceux les commettant acceptent de changer leur comportement de manière significative. Ces erreurs sont souvent dues aux habitudes ou à la nature-même de l’individu : tenter quelconque correctif viendra donc attaquer directement l’ego de celui-ci.

L’obstacle de l’ego

Il ne faut pas oublier que la peur du changement habite tous les êtres humains, sans exception et ce, depuis l’enfance. Reconnaître que l’on a commis une erreur est un changement en soi et accepter de modifier son comportement afin d’éviter qu’une erreur ne se reproduise demande un réel effort à l’être humain en déni face à une réalité changeante.

Il s’agit en fait de ne pas seulement reconnaître les erreurs mais de savoir identifier les comportements et habitudes qui mènent à celles-ci. L’ego ne pourra faire autrement que de se sentir menacé. En effet, la confiance en soi est souvent basée sur une image idéalisée de sa propre personne. Admettre une faute  est alors synonyme de faiblesse, une attaque à son intégrité et son amour-propre.

L’ego agit ainsi en tant que système d’auto-défense. Peu importe la force mentale ou la détermination de l’individu, on peut toujours compter sur notre ego pour se dresser en travers des forces du changement. Cette réaction est normale mais doit être contrée à tout prix sans quoi nous risquons de tomber dans le piège sournois qu’est la surestime de soi.

En fait, en réaction à des échecs particulièrement froissants pour l’ego, plusieurs choisiront de camoufler les faits afin de faire paraître leur échec comme une victoire personnelle contre l’adversité. Certains baseront leurs systèmes de valeurs entier sur cette vision égocentrique en adoptant un discours qui se veut  conquérant et dominant  : à contre-courant, rebelle, révolutionnaire, désobéissant, insoumis, etc..

Cette narrative s’avère particulièrement insidieuse car tôt ou tard, cette structure illusoire croulera sous son propre poids. Cette fierté démesurée que certains portent envers leurs propres histoires empêche en fait toute croissance personnelle, toute admission d’échec, forçant souvent l’individu à abandonner plusieurs combats desquels ils pourrait sortir grandi. C’est l’illusion que tente de nous vendre l’industrie musicale populaire depuis des décennies : un système entier conçu pour impose l’adhérence à un style, à une mode fabriquée de toutes pièces. Cette approche ne fonctionne que dans les films : jamais dans la vraie vie, où l’illusion s’effrite rapidement sous les assauts répétés du quotidien.

Le guerrier solitaire

Le changement d’attitude ne relève pas non plus que de la simple volonté. Parfois, l’individu tentant un changement devra renouveler un engagement qu’il aura peut-être déjà brisé lors d’une expérience antérieure. Revenir au front, tenter de faire face à un obstacle devant lequel on a déjà failli nécessite une détermination hors du commun. Cette approche risque de noyer même l’esprit des plus courageux sous les flots des sentiments de culpabilité et d’échec qui auront pu macérer et s’être ainsi ancrés aux confins du subconscient.

Pour cette raison, tenter de faire face à ses démons requiert donc souvent l’aide d’amis, de mentors ou de professionnels en santé mentale : une perspective extérieure et objective est souvent nécessaire afin de faire taire la voix du doute qui rends l’exercice beaucoup plus ardu qu’il ne peut paraître à première vue. Il existe bien sûr une panoplie de systèmes de support et il s’agit de bien se connaître afin de choisir celui qui nous aidera à atteindre ses objectifs.

L’échec complexe

Le type d’échec le plus dur à régler est celui dont la complexité dépasse la compréhension de celui qui y fait face. Dans ces cas, la pire attitude à adopter est une approche réactionnaire, où l’individu en question tentera en vain de régler une situation qu’il comprend mal à coup d’essais et d’erreurs.

Bien qu’il existe plusieurs techniques permettant d’analyser de telles situations, aucunes d’entre elles ne néglige l’étape cruciale d’analyse. En colligeant les points de vue de plusieurs intervenants issus de disciplines diverses, il sera possible de dégager les motifs récurrents et de se rapprocher peu à peu d’une solution satisfaisante et non biaisée permettant de résoudre la situation et d’éviter que celle-ci ne se répète.

Afin de s’assurer qu’un portrait complet de la situation puisse être atteint, il faudra retracer les événements qui ont mené à celle-ci. Sauter aux conclusions dès qu’un indice qui semble pertinent est découvert peut être excessivement dangereux, d’où la nécessité d’interroger des individus impartiaux à la problématique afin d’assurer une réelle analyse scientifique du sujet.

Sans une approche posée et un réel travail d’investigation honnête et exhaustif, la solution trouvée risque de n’être qu’un baume temporaire sur une plaie ouverte. Encore pire, la situation pourrait s’aggraver dans le cas où un correctif erroné serait appliqué au problème. Lorsque des vies humaines dépendent de cette solution, mieux vaux prendre son temps que de laisser un doute planer par simple empressement ou manque de rigueur.

Conclusion

L’échec est un gage de savoir car bien qu’il soit possible d’identifier les obstacles se dressant devant nous, il est quasi-impossible de prévoir comment nous y réagirons lorsqu’y étant confrontés. Ce n’est qu’à force d’essayer que le travail pourra se faire. Il s’agira alors de corriger le tir, ce qui s’avère impossible à faire sans avoir au moins essayé.