La culture d’entreprise à l’ère de l’information

* Sarah Licha est fondatrice et PDG d’Espace RH inc. Elle se spécialise dans la gestion du changement et le conseil stratégique du capital humain (sarah@espacerh.com ou www.espacerh.com). Simon Lamoureux est auteur et créateur de contenu, partenaire d’Espace RH inc. (simon@espacerh.com).

Résumé

Les co-auteurs explorent ici les différences fondamentales entre les concepts de la culture d’entreprise et de sa mission; deux idées distinctes quoique souvent considérées à tort comme étant interchangeables. En mettant l’accent sur certains détails bien précis, ils démystifieront ainsi la réalité du mythe afin de dresser un portrait clair de ce que la culture d’entreprise représente en 2017.

Introduction

L’idée même de la culture d’entreprise évoque sans doute pour la plupart des lecteurs un idéal immuable, un code mythique et secret, garant du succès des grandes multinationales de ce monde.

Or il n’en est rien : La culture d’entreprise se doit d’évoluer au rythme des stratégies d’affaires et des nouvelles opportunités convoitées par ses décideurs sans quoi elle se verra rapidement dépassée. Une culture d’entreprise qui n’évolue pas ne fait que renforcer les stéréotypes négatifs issus des mentalités d’autrefois.

La mission que l’entreprise se donne, quant à elle, définira précisément ce qu’elle désire accomplir au cours de son existence et surtout ce qu’elle désire représenter auprès de ses clients et aux yeux des autres joueurs du secteur ou de l’industrie dans laquelle elle œuvre.

Cette mission est en fait le seul élément qui doit demeurer constant et inaltérable au cours de l’existence d’une entreprise.

Pour sa part, la culture d’entreprise doit être plutôt considérée comme un outil malléable, servant à atteindre les objectifs découlant de la mission. De par sa nature même, la culture d’entreprise épouse les préceptes du changement continu, modèle de fonctionnement quasi-ubiquitaire du monde des affaires d’aujourd’hui.

Nouveaux défis, même mission

Aucun entrepreneur sérieux ne peut se permettre de rester assis sur ses lauriers bien longtemps; dans le monde des affaires, les succès d’hier ne garantissent aucunement ceux de demain.

À l’image d’un monde en effervescence constante, toute entreprise avide de conquêtes se doit de rester à l’affût des nouvelles tendances et manières de faire. La compétition est féroce et les adversaires ne manqueront certainement pas l’opportunité de prendre les devants là où c’est possible.

Répondre simplement aux besoins du marché n’est pas suffisant, il faut savoir aller au-delà des tendances afin de s’assurer de décrocher rapidement la position de meneur dans un monde où tout évolue constamment et rapidement.

Les phrases précédentes peuvent paraître évidentes aux yeux de plusieurs mais nous tenons à les souligner car en leur sein se trouve la solution de l’énigme : l’entreprise doit apprendre à changer la culture qu’elle emploie au gré des défis qui se présentent à elle tout en restant fidèle à sa mission première.

La culture de l’entreprise se doit de refléter non seulement les changements externes, telles les tendances sociétales, mouvements du marché, l’arrivée de nouveaux compétiteurs et tout ce qui découle de l’innovation technologique mais elle doit également répondre aux préoccupations de ses employés et clients; lorsque tous les intervenants y voient des avantages concrets correspondant à leurs propres aspirations, besoins ou désirs, le succès devient soudain possible et l’amorce du changement peut donc être tentée.

Il y une quinzaine d’année, par exemple, l’industrie du jeu vidéo favorisait l’adoption de plusieurs pratiques nocives dont le « crunch time » de fin de projet. Cette pratique, qui consiste à encourager les employés à travailler jusqu’à l’épuisement, quitte à dormir sur les lieux du travail, semblait incontournable à cette époque, allant même jusqu’à pénaliser ceux qui ne pouvaient tout simplement suivre la cadence démentielle et la frénésie propres à ce type de marathon forcé.

Les avancées du rôle des ressources humaines en ce secteur et l’évolution générale des pratiques de l’industrie ont toutes deux contribué à atteindre un équilibre beaucoup plus agréable pour ceux qui  subissent les contrecoups dû aux exigences du cycle de développement des jeux vidéos. Bien que plusieurs grands joueurs du milieu favorisent toujours, de manière subversive et non-officielle ces pratiques archaïques, cette industrie foisonnante s’en porte mieux en général car elle aura su adapter sa culture aux besoins du temps et aux préférences des individus constituant sa force de travail.

Instaurer la culture du changement

Une fois un tel changement de culture annoncé, il faudra bien sûr passer à l’action afin d’implanter la nouvelle stratégie au sein de l’entreprise. Même avec les meilleures intentions du monde et un plan à toute épreuve, il est illusoire de penser que les employés adhéreront à de nouvelles valeurs dès qu’ils en seront informés.

En amont du changement, une consultation exhaustive des individus qui risquent de voir leurs emplois touchés par ceux-ci peut être effectuée, permettant ainsi de faciliter le processus à tous les niveaux et de préciser l’impact que cette manœuvre risque d’avoir sur l’entreprise et son personnel.

L’implémentation de ce type de changement doit favoriser une approche en cascade, c’est à dire du haut (direction et gestionnaires) vers le bas (employés à la production) sur l’échelle hiérarchique. La première étape consistera à convaincre les dirigeants et gestionnaires du bien fondé de cette nouvelle approche. Il ne s’agit pas de leur imposer une marche à suivre et de les confiner à des rôles de simples exécutants mais bien de savoir leur faire comprendre la stratégie qui sera mise en place et de pouvoir répondre à toutes leurs inquiétudes et questions concernant celle-ci.

En effet, répondre à ces questions ne relève pas d’un simple exercice visant à rassurer les intervenants mais s’inscrit plutôt comme une méthode transparente de soumettre l’idée au test du monde réel. De cette façon, le plan qui sera proposé en fin d’exercice tiendra compte des préoccupations de chacun. C’est aussi la seule manière d’inspirer la confiance et de favoriser la collaboration de ceux qui se feront les portes-étendards de cette idéologie.

Une fois convaincus, les gestionnaires agiront eux-mêmes en tant qu’exemples à suivre auprès des employés dont ils sont responsables. C’est pourquoi ils doivent avoir entièrement confiance en cette approche. Imposer des règles et procédures auxquelles on ne croit pas soi-même est gage d’échec à coup sur.

En posant les actions nécessaires à l’avènement du changement de culture d’entreprise et en adoptant un comportement qui se veut au service à cette nouvelle vision,  les décideurs et gestionnaires pourront ainsi rallier les troupes avec enthousiasme, alternative bien plus efficace que n’aurait pu l’être un ultimatum forcé.

Les habitudes de la clientèle

Il faudra agir avec prudence et transparence afin d’assurer que la clientèle de l’entreprise ne se perde aux quatre vents lors de tels chamboulements. La stratégie devra leur être clairement expliquée en fonction de son but premier, c’est à dire d’accomplir la mission qu’elle s’est fixée au départ. De plus, cette communication aura un but primordial : expliquer au client en quoi le changement visé l’affectera directement dans ses habitudes en tant que consommateur ou usager des services offerts par  l’entreprise.

Lorsque les actions à prendre et les changements à implanter seront bien compris par tous les intervenants, toute transaction sera alors faite en pleine connaissance de cause de tous les partis, éliminant ainsi nombre de malentendus aux conséquences potentiellement majeures.

Au niveau de la clientèle, malgré la transparence d’un tel processus, les clients qui n’approuvent pas les changements proposés pourront tout de même faire part de leurs inquiétudes et seront laissés libres de choisir une autre option sans nécessairement se sentir trahis ou traités comme de vulgaires numéros.

La plupart d’entre eux risquent par contre de demeurer fidèles car ce type d’attitude transparente de la part d’entreprises est généralement apprécié. Une trahison, même si elle n’émane que d’une perception faussée des événements, mène rarement à une réconciliation mais plutôt vers une brisure irréparable.

Conclusion

Au bout du compte, le changement s’avère la seule constante du monde des affaires.

Les cultures d’entreprises qui passèrent à l’histoire furent celles dont l’implantation mena au succès; celles qui se sont vues vouées à l’échec ne seront jamais citées en exemple car ce sont les vainqueurs qui écrivent les livres d’histoire. C’est avec un plan bien précis, à l’écoute de la mission de l’entreprise et de la réalité de tous ses intervenants que les Google, Pixar et Apple de ce monde surent inspirer des générations d’entrepreneurs et de travailleurs.

Ces entreprises reflètent aujourd’hui une toute autre culture que celle des légendes décrivant leur essor fulgurant car leur réalité a aussi changé au fil du temps et la plupart d’entre elles ont su s’adapter en conséquence.